La Bourse a baissé cet été ? Certes. Faut-il s’en inquiéter outre-mesure ? C’est une autre question et elle fait débat. Après tout, si on regarde un indice comme le CAC40 sur une période de quelques années - au hasard, depuis 2011 - les turbulences récentes méritent d’être nuancées. Entre les plus bas de septembre 2011 et le creux de fin août 2015, l’indice affichait encore une progression de l’ordre de 50% et s’est globalement repris depuis. La tragicomédie grecque du début d’été, puis les inquiétudes venues de Chine ont secoué les investisseurs, mais cela remet-il en cause le marché haussier (bull market) qu’on connaît depuis quatre ans ou faut-il en conclure que nous sommes réellement entrés dans une phase baissière (bear market) ? Faut-il foncer comme le taureau ou faire preuve d'une prudence de grizzly ?
A vrai dire, les avis sont partagés. Dans sa dernière lettre mensuelle, Quilvest Gestion défend un point de vue plus que prudent et estime que si de nouvelles secousses viennent confirmer les précédentes, « il faudra considérer que l’épisode de hausse des marchés actions qui a débuté en mars 2009 s’est achevé dans le courant de l’année 2015 et que nous sommes désormais rentrés dans un contexte de marché baissier qui peut connaître des phases d’accélération brutales comme c’est souvent le cas. » En cause : une croissance mondiale qui flanche et met le doute dans la tête des investisseurs.
Chez JP Morgan AM, la tonalité de la récente présentation faite au siège londonien du gestionnaire d’actifs par Stephanie Flanders, en charge de la stratégie marchés pour le Royaume-Uni et l’Europe, devant un parterre de journalistes, dont votre serviteur, était plutôt à l’optimisme prudent. Mais si elle attend une croissance mondiale plus faible qu’espéré et déplore une certaine confusion dans l’action de la Fed, elle a aussi insisté sur le fait qu’elle ne voyait actuellement aucun des facteurs clés propres à un marché baissier. Ni récession, ni hausse du prix des matières premières, ni resserrement de taux agressif de la Fed, alors que cette conjonction maudite avait été observée lors de la crise de 2007/2008 et lors du violent resserrement de taux pratiqué par Paul Volcker en juin 1981. Et pas non plus de valorisation extrême des actions (elle est plutôt proche d’une moyenne historique, notamment en Europe), contrairement à ce qui avait été vu lors de la crise post-bulle internet. Bref, pas de signes forts d’un marché durablement baissier... mais après tout il n’y en avait pas non plus avant le krach de 1987 !
Marché baissier ou pas ? La question mérite aussi d’être posée à un gérant quantitatif, comme Olivier Nobile, qui a passé 15 ans chez Crédit Agricole CIB et Boussard & Gavaudan avant de fonder Silver Time Partners en 2014 avec trois associés. La réponse faite par ce spécialiste de l’investissement quantitatif à la question susdite passe par l’évolution d’un indicateur issu de son modèle, peaufiné depuis une dizaine d’années. Le modèle en question vise à déterminer quelles actions sont en configuration haussière. Et l’indicateur qui en découle montre la proportion d’actions d’un marché donné montrant une dynamique haussière au sens du modèle. On voit que cette proportion a considérablement diminué au cours de l’été, quel que soit le marché considéré. La chute est particulièrement forte sur le Japon et l’Europe, qui comptaient respectivement 87% et 80% de titres haussiers à fin mai, cette part étant aujourd’hui ramenée à 32% pour les deux marchés. Sachant que la part de titres sans réelle tendance est généralement entre 8 et 15%, cela indique clairement qu’une majorité de titres sont dans une dynamique baissière, même si Olivier Nobile estime qu’il faudra attendre la fin de l’année pour des conclusions plus définitives.