Lorsqu’on dit qu’un fonds d’investissement « ferme », cela peut avoir plusieurs sens. Cela peut vouloir dire, en effet, que le fonds disparaît purement et simplement, soit parce qu’il prévoyait de rembourser à une échéance donnée l’argent aux investisseurs, soit parce qu’il n’a pas connu le succès escompté et fait l’objet d’une rationalisation de gamme. Il sera alors fusionné avec un autre produit. Pour employer une image qui parlera aux amateurs de sorties nocturnes, dans ce cas de figure, le videur vient gentiment vous dire de partir, voire vous raccompagne si vous êtes trop insistant.
Mais il arrive aussi qu’un fonds se « ferme » seulement aux nouvelles souscriptions, tout en continuant sa vie. C’est ce qu’on appelle un « soft closing », une fermeture douce, donc, et cela se justifie généralement par des raisons de liquidité. Lorsque des fonds sont investis dans des actifs naturellement très liquides (disons, les actions de grandes capitalisations américaines), ils ne rencontrent pas ce type de problématique : l’ETF SPDR S&P 500 de State Street par exemple, gérait en fin d’année dernière la somme colossale de près de 225 milliards de dollars sans souci de liquidité. Mais pour un fonds investi dans des micro capitalisations, accepter trop d’argent risque à un moment de pervertir le modèle qui a fait le succès du fonds en obligeant à une prise de risque supplémentaire. Donc de nuire aux porteurs existants.
C’est en vertu de ce risque que le gérant décide de ne plus accepter d’argent au-delà d’une taille critique, souvent définie à l’avance en fonction des caractéristiques de la classe d’actifs visée. Ce soft closing peut en fait être pratiqué de plusieurs manières. D’abord, on va pouvoir décider d’interdire le fonds aux nouveaux souscripteurs. Pour reprendre l’analogie du départ, le barman ferme simplement la porte de sa taverne, mais les consommateurs déjà à l’intérieur peuvent continuer à consommer. C’est ce qu’avait fait le fonds Nordea Stable Returns en septembre 2016, même s'il avait alors été convenu également de limiter à un certain niveau le droit des investisseurs existants à resouscrire (je t’en sers un autre, d’accord, mais vas-y mollo quand même).
On peut aussi fermer purement et simplement à toute souscription nouvelle. Les clients peuvent rester mais n’ont plus le droit de commander. Le fonds « small caps Europe » Échiquier Entrepreneurs, qui vient d’atteindre les 350 millions d’euros sous gestion, ce qui en fait un des plus gros fonds éligibles au PEA PME (avec Amundi Actions PME et ses 540 millions d’euros d’encours), a choisi une autre solution. On pourrait appeler cela le tarif de nuit prohibitif : désormais, toute nouvelle souscription, y compris émanant d’un porteur existant, sera assujettie à une commission de 5% acquise au fonds. De quoi calmer les buveurs invétérés, même si on ne peut pas leur en vouloir d’avoir toujours soif de belles performances comme celles délivrées par Échiquier Entrepreneurs ces dernières années : 18% de performance annualisée depuis l’origine, contre 12,8% pour son indice de référence.