Le secteur du prêt participatif aux entreprises, ou crowdlending, est en plein essor. D’après les chiffres compilés par le site www.crowdlending.fr, les montants collectés se sont élevés à 83 millions en 2016 : un chiffre multiplié par 2,6 par rapport à l’année précédente. Et le potentiel de croissance ne semble pas épuisé : en janvier 2017, les dix premières plateformes ont collecté un peu plus 7,6 millions d’euros, soit une croissance de 105% par rapport à janvier 2016.
Mis à part Unilend (-21%) et Lendosphère (-89%), cette dernière plateforme étant un peu spéciale, car focalisée sur le financement de projets d’énergies renouvelables, les principaux acteurs sont ainsi restés en croissance le mois dernier. Une croissance parfois spectaculaire : +5410% pour Pretup, qui bénéficie ici d’un effet de base très favorable avec une collecte qui avait été de seulement 5.000 euros en janvier 2016, mais également des chiffres impressionnants, et plus significatifs, pour Lendix (+291%) et Credit.fr (+216%).
Il y a quelques mois, j’ai proposé un indicateur pour suivre ce marché : il s’agit de suivre pour chaque acteur l’évolution de la collecte mensuelle moyenne sur une période de quatre mois. Par exemple, pour le mois de janvier 2017, on va additionner les montants collectés en octobre, novembre, décembre 2016 et janvier 2017, puis diviser le total par quatre. La première fois que j’ai publié cet indicateur, j’ai essuyé quelques critiques, notamment celles de Nicolas Lesur, fondateur et directeur général d’Unilend, arguant que cette durée d’observation ne permettait pas de dégager un chiffre corrigé des variations saisonnières. C’est parfaitement exact, et il serait d’ailleurs présomptueux, ou en tout cas prématuré, de vouloir chaque mois calculer un niveau corrigé, normatif, des collectes de chaque plateforme, étant donné la grande jeunesse du secteur. Mais ce n’est pas l’objet de cet indicateur.
Lorsqu’il s’agit de comparer le poids économique de chaque plateforme, il est évident que le total de la collecte depuis l’origine, qu’on peut trouver aisément sur chaque site, n’est pas pertinent. En effet, l’historique d’Unilend, lancé depuis 2013, est considérablement plus long que celui de plateformes lancées en 2015, voire 2016. D’un autre côté, les chiffres mensuels subissent en effet, comme le notre Nicolas Lesur, des effets saisonniers. De plus, imaginons qu’une collecte ait commencé le 16 janvier et se termine le 1er février à 2h32 du matin, elle sera comptabilité par crowdlending.fr sur février, alors même qu’elle aura eu lieu en majeure partie sur janvier. Les à-coups peuvent être assez violents, comme en témoignent justement les chiffres d’Unilend entre septembre et novembre dernier. En octobre, la collecte de 175.000 euros, en recul de 29% par rapport à septembre, semblait indiquer que la plateforme était sérieusement en perte de vitesse, ce qu’est venu contredire la très forte hausse de la collecte en novembre (plus de 881.000 euros).
Venons-en donc à l’intérêt de ce petit indicateur. Si le crowdlending est en forte croissance, il n’en est encore qu’à un stade peu avancé par rapport à son potentiel et les parts de marché sont instables. Alors qu’Unilend avait pris de l’avance en partant avant tout le monde, c’est aujourd’hui Lendix qui s’est imposé, à peine arrivé sur le marché, comme un leader indéniable. Et si les chiffres de janvier 2017 (4,5 millions de collecte) semble montrer que ce leadership a tendance à se renforcer, rien n’interdit de croire qu’un acteur nouveau pourrait à son tour le détrôner d’ici quelques années. Cette moyenne mobile sur quatre mois offre ainsi une vue dynamique de l’évolution des parts de marché des différentes plateformes.
Laissons de côté Lendix qui est, pour l’heure, hors d’atteinte, pour nous intéresser à ses poursuivants les plus importants (figurent seulement ci-dessous les plateformes généralistes, d’où l’absence de Lendosphère). On voit que sur l’année écoulée, les positions ont évolué de manière assez considérable. Alors qu’Unilend était clairement au-dessus des autres acteurs représentés ici début 2016, la plateforme a subi une érosion assez nette de sa collecte (en valeur absolue, malgré un marché porteur). Cette érosion semble avoir été stoppée sur la fin de l’année, Unilend reprenant un avantage plus net sur Lendopolis qui se rapprochait dangereusement. Cette dernière plateforme, qui connaissait une croissance légère, semble aujourd’hui plafonner.
En revanche, deux acteurs ont bien profité de l’année 2016. Il s'agit tout d’abord de Credit.fr, dont la montée en puissance est spectaculaire. Le montant moyen mensuel collecté a quadruplé, passant de 215.000 euros en janvier 2016 à 880.000 euros en janvier 2017. La plateforme financée par Truffle Capital s’impose ainsi comme le numéro deux du marché. Plus petit, Pretup a aussi changé de statut. Il y a un an, c’était un Tom Pouce, avec une collecte moyenne de 20.000 euros par mois. En janvier 2017, la moyenne mobile 4 mois atteint 292.000 euros : pas encore suffisant pour rattraper Unilend et Lendopolis, mais prometteur tout de même.