"N'êtes-vous pas frappé de voir que la chaîne des mensonges qui entourent Cahuzac commence dans le Parti socialiste et fini au Front national ?". Mais si, Jean-Luc, mais si ! Nous sommes aussi frappés que vous mais nous nous en réjouissons beaucoup moins. C'est avec son habituelle finesse de phacochère que Jean-Luc Mélenchon, invité le 5 avril par France Info, nous a montré de quelle manière il espérait bien transformer le scandale Cahuzac en "tous pourris, tous pour moi !"
Et notre bon vieux Jean-Luc en a profité pour jouer les victimes, rappelant l'"expérience psychologique très traumatisante" que fut son face-à-face télévisé avec l'arrogant Cahuzac. Pauvre chéri ! Evidemment, Jean-Luc, c'est plus facile, lorsqu'on est un vieux briscard de la politique, de se retrouver face à un petit étudiant en journalisme, forcément un peu intimidé, et de lui jeter à la face qu'il n'est qu'un "refoulé politique de la petite bourgeoisie" et qu'il fait partie d'une "sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier", qui ne s'intéresse qu'à des "sujets de merde", avant de se draper dans une maxime romaine... "dignitas et gravitas", comme vous l'avez fait en mars 2010 (voir la vidéo sur Youtube). Dignitaaas et gravitaaas... que c'est beau, les vertus romaines ! Mais pour ma part, je préférerai toujours Montesquieu, qui disait que la gravité est le bonheur des imbéciles...
Quant à cette façon de cracher sur la classe dirigeante, cette "oligarchie de tous puissants seigneurs et de leurs affidés dans le monde politique et médiatique", elle peut être légitime... pour quelqu'un qui n'en fait pas partie. Mais quand, à 35 ans, on avait pour seule ambition de devenir sénateur pour mener le train du même nom, quand on bouffe à grandes louchées dans la bonne soupe européenne avec un poste pas trop fatiguant et plutôt rémunérateur de député, quand on va assister à la remise de la Légion d'honneur de Patrick Buisson, ancien rédacteur en chef de Minute et conseiller de Sarkozy, quand on tutoie gaiement un autre "sarkonseiller", Henri Guaino, quand on donne des coups de mains à Serge Dassault ou quand on a fait la courbette, comme tout le monde, devant Bachar el Assad, en quoi est-on si distinct de cette caste politique qu'on fustige si fort ?
Monsieur Mélenchon veut donner un coup de balai dans la classe politique ? Soit, mais mérite-t-il vraiment d'être du côté du manche ou de finir dans la pelle à poussière. Le monde politique a besoin de transparence, cette transparence que Mélenchon qualifie d'exigence névrotique dès lors qu'elle entend toucher la rémunération des élus (lire notre précédent article "Les pudeurs financières de Monsieur Mélenchon"). D'autres ont le verbe moins haut que Mélenchon mais agissent, à l'image de la ministre PS Marie-Arlette Carlotti, qui a décidé de rendre public son patrimoine, tout comme Laurent Wauquiez ou Bruno Le Maire de l'autre côté de l'échiquier politique. le bon peuple mérite certainement de savoir ces choses, comme les actionnaires d'une société connaissent la rémunération du patron. En voilà qui ne font peut-être pas partie de "ces gens qui considèrent que les questions d'argent, comme c'est souvent le cas chez les grands bourgeois, on n'en parle pas à table." Des gens que Mélenchon dénonce et dont il serait en conséquence bien avisé de se distinguer plus franchement !
Emmanuel Schafroth