Entre le 6 et le 10 mars, Numéricable a connu une dégringolade boursière remarquable : près de 21% de baisse en quatre séances, qui l'ont ramené au-dessous de son cours d'introduction pour la première fois de sa courte histoire boursière (démarrée en novembre dernier).
La raison de cette chute : la perception par le marché d'une victoire annoncée de Bouygues dans la bataille pour le rachat de SFR. Que n'a-t-on pas lu cette semaine sur le sujet dans les forums boursiers ! Certains martelaient que l'opération Bouygues-SFR était déjà faite et qu'il fallait se le tenir pour dit. Or, curieusement, on a appris hier soir que Bouygues relevait son offre sur SFR, proposant désormais 11,3 milliards d'euros de cash à Vivendi, contre 10,5 milliards précédemment, à comparer aussi aux 10,9 milliards d'euros proposés par Numericable. Comme quoi, Bouygues n'était pas si sûr que certains observateurs hâtifs de sa victoire.
Mais la partie cash est-elle le seul élément sur lequel va décider Vivendi ? Certes pas, car il y a aussi une partie en titres. Si Vivendi choisit Bouygues, le conglomérat se retrouvera avec une participation dans un nouvel ensemble, soit Bouygues Telecom-SFR, soit Numericable-SFR. Dans le premier cas, il s'agira d'une société non cotée, qu'il faudra sans doute introduire en bourse pour permettre finalement à Vivendi de sortir complètement de SFR. dans le deuxième cas, l'entité est déjà cotée. Comme Vivendi continuera d'être exposé un moment aux risques du nouvel ensemble, il convient d'examiner aussi lesdits risques. Côté Bouygues, on peut en citer trois. D'abord, le risque de devoir mener des restructurations importantes et coûteuses, du fait qu'il faudra éliminer de nombreux postes en doublon : choisir un directeur financier, un DRH, etc, là où on en a deux. Il faut donc mélanger des équipes jusqu'ici concurrentes avec le risque que la mayonnaise ne prenne pas. Autre risque opérationnel majeur, celui de l'érosion de la base de clients. On peut imaginer, étant donnée la part de marché des deux acteurs qu'il se trouve parmi les clients SFR des déçus de Bouygues Télécom et inversement. Ceux-ci peuvent faire le choix d'aller voir ailleurs, ce qui compliquera la fusion. Enfin, l'opération risque de se heurter aux autorités de la concurrence. On voit déjà Bouygues se préparer aux exigences qui pourraient lui être imposées en proposant de vendre son réseau à son ennemi juré Free. Un comble, quand on y réfléchit bien !
Tous ces risques apparaissent bien moindres si Vivendi choisit Numericable, qui est de beaucoup plus petite taille et reste surtout spécialiste des offres fixes alors que la valeur de SFR se situe plus dans le mobile : plus de complémentarité, moins de risque de se heurter à un diktat bruxellois. Si Vivendi choisit tout de même de vendre SFR à Bouygues, quid de Numéricable ? Dans ce cas, la société pourra toujours profiter du fait d'avoir un concurrent de moins, ce qui lui permettra sans doute de bénéficier en partie de l'érosion de la base clients à prévoir dans le cadre d'une éventuelle opération Bouygues-SFR. Or, si les résultats 2013 de Numericable sont en demi-teinte, certains indicateurs sont déjà plutôt positifs : hausse du nombre de clients raccordés à la fibre optique et augmentation du revenu par client. Bref, un échec sur le deal SFR serait sans doute décevant mais sûrement pas catastrophique. Ce qui explique sans doute la remontée du titre depuis hier.