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21 août 2015 5 21 /08 /août /2015 13:44

Le démantèlement des activités du groupe internet n’a pas profité aux actionnaires... bien au contraire.

Il fut un temps où HiMedia était une valeur emblématique du web à la française. Introduite en bourse en 2000, la régie publicitaire figurera parmi les survivants du cataclysmique éclatement de la bulle internet. Au milieu de la décennie 2000, forte d’une situation financière très saine et à nue rentabilité retrouvée, la société se lance dans une série d’acquisitions, d’abord sur son métier de base (Numeriland en 2005), puis sur des métiers connexes. Les choses commencent plutôt bien avec deux bonnes pioches dans en 2006 : HiMedia met alors la main sur la plateforme de micropaiement Allopass et l’emblématique site internet jeuxvideo.com. La stratégie semble claire, le groupe ayant alors des solutions de monétisation de l’audience internet (publicité et paiement en ligne) tout en cherchant à développer des activités d’édition, afin de mieux « marger » tout en continuant à mettre ses outils au service d’éditeurs tiers.

Mais la société va commettre un faux-pas majeur l’année suivante en rachetant Fotolog. A une époque où le succès des réseaux sociaux ne fait que commencer, ce site américain de partage de photos est racheté pour 65,8 millions d’euros par HiMedia. Problème : son audience est peut-être importante mais essentiellement concentrée en Amérique Latine et la « contagion » à l’Europe n’aura pas lieu, sauf en Espagne. La fin de l’histoire est triste : faute d’avoir pu monétiser cet actif, HiMedia est contraint de déprécier Fotolog dans ses comptes 2010 pour la quasi-intégralité du montant payé. Finalement, le groupe cède en 2014 51% du capital de Fotolog au fondateur de Brandalley, Sven Lung, sur la base d’une valorisation de 3,2 millions d’euros, après avoir préalablement réinjecté 2,9 millions d’euros dans sa filiale. Un vrai gouffre !

Cette année 2014 marque un virage stratégique pour HiMedia : le début de ce que le groupe appelle alors un recentrage : en réalité, une vente à la découpe du groupe. Cela commence plutôt bien en juin 2014 avec la cession de jeuxvideo.com (acheté pour 26 millions d’euros en 2006) à Webedia pour 90 millions d’euros. Le marché applaudit alors, semblant ne pas voir que ce sont là les bijoux de famille qu’on vend. Les autres cessions (Fotolog ou Toutleciné, vendu à Challenges pour 270.000 euros) seront anecdotiques.

Le dernier acte du démantèlement de HiMedia est intervenu en juin dernier avec la séparation des activités publicitaires (HiMedia) et des activités de paiement en ligne (HiPay) en deux société cotées séparément : un spin off pas tout à fait complet car HiMedia conserve une participation dans HiPay. Consécutivement, les deux titres ont fait l’objet de regroupements d’actions pour éviter qu’ils demeurent des penny stocks, sujets à une forte volatilité. Pour l’heure, cette stratégie ne profite pas aux actionnaires, tout au contraire. Au terme de cette triple opération financière, le porteur d’une action HiMedia ancienne (elle valait 2,50 euros à fin 2014) se retrouve en possession de 1/11e d’action HiPay (cours actuel 9,88 euros) et de 1/15e d’action HiMedia nouvelle (cours actuel 9,36 euros), soit une valeur totale de 1,52 euro. Je vous laisse calculer la moins-value latente !

Pourquoi une telle désaffection ? On peut identifier plusieurs raisons. Tout d’abord, il faut bien reconnaître que les déceptions s’accumulent pour la société ces dernières années, avec une décroissance continue de l’activité depuis 2010. HiMedia ne fait plus figure de valeur de croissance et le résultat opérationnel courant a viré au rouge sombre en 2014 (-9,7 millions d’euros). Cette bérézina est imputable à l’activité publicité car d’après les publications de HiPay, l’activité paiement affichait de son côté un bénéfice opérationnel courant l’an dernier. Avec une activité en berne au premier trimestre et une marge brute en chute libre, les résultats semestriels du périmètre HiMedia nouveau s’annoncent bien sombres. Et pour ajouter aux craintes des investisseurs, HiMedia vient de repousser la date prévue pour ladite publication, démarche d’autant plus étonnante que les comptes semestriels de la partie HiPay sont connus depuis fin juillet ! Ce type de report est toujours inquiétant car il peut parfois masquer une tentative un peu désespérée de faire passer une pilule trop amère. Certains se souviennent peut-être du cas de Kalisto, qui avait entamé une telle démarche dans l’espoir de compenser de catastrophiques résultats 2000 par une annonce de partenariat qui n’eut jamais lieu.

Côté HiPay, la situation semble plus heureuse mais les indicateurs d’activité restent en ordre dispersé. Si la marge brute et en hausse de 12% au premier semestre 2015, le résultat d’exploitation courant a plongé (0,3 million d’euros, contre 0,8 million un an avant). En pleine transition entre son activité historique de micropaiement et la monétique, HiPay n’offre pas une grande visibilité et évolue sur un marché très concurrentiel. Certes, la société dispose au moins d’une certaine solidité financière avec une trésorerie nette de 14,5 millions d’euros, mais doit encore faire la preuve qu’elle peut redresser ses résultats.

Tous ces éléments font que, même séparés, les deux groupes partagent un sort boursier peu enviable : un sévère plongeon depuis l’opération de séparation/regroupement évoquée plus haut. Il faut dire qu’un autre facteur joue en défaveur des deux titres. Depuis qu’ils vivent leur vie séparément, les investisseurs sont privés de la faculté d’acheter à découvert, ce qu’ils pouvaient faire auparavant (HiMedia était éligible au SRD « long only »). Cette particularité venait évidemment soutenir la liquidité du marché du titre, qui fait défaut aujourd’hui, mais on peut penser qu’elle a contribué à un soutien un peu artificiel du cours puisqu’à l’inverse, la vente à découvert était impossible. L’heure de vérité a sonné et il reste à connaître l’état financier exact de l’activité publicitaire, récemment renforcée par des activités espagnoles et américaines acquises auprès d’Orange. Rendez-vous le 10 septembre.

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